mercredi 11 juin 2008

De Yogya à Solo

Se faire véhiculer par un chauffeur personnel en Indonésie comporte de nombreux avantages : on y conduit à gauche, le Code de la route y est respecté de manière aléatoire, les priorités se prennent à l'influence, le pilotage y est speedé, sans compter la présence d'un nombre impressionnant de deux roues. De nombreux avantages et pour moi un inconvénient, celui de ne pas visualiser le trajet effectué, de ne pas voir sur une carte mon point de départ et d'arrivée, de ne pas pouvoir me dire "ah, c'est là qu'on s'est arrêté pour diner", bref de ne pas préparer mon itinéraire. Avoir un chauffeur, c'est lui laisser l'initiative du parcours, c'est s'abandonner, c'est se laisser aller. Aujourd'hui, il est prévu une balade en dokar à travers villages et campagnes et je suis incapable de situer l'endroit entre Yogya et Solo où nous nous sommes arrêtés.

Peu importe. Ces villages, entre 8 000 et 10 000 habitants, dispersés en lots de quelques dizaines de maisons sur plus d'une centaine de km² sont loin du pouvoir central. Ils sont organisés, si j'ai bien compris, pour vendre leur production en collectivité, les responsables sont des élus locaux qui n'ont des comptes à rendre que sur la bonne gestion des villages.

Helmi avait dit de nous approvisionner en bonbons à distribuer aux enfants qui allaient nous suivre durant la balade. Le tamtam a fonctionné très vite. Cinq minutes plus tard, ils étaient plus d'une dizaine à nous suivre en courant. La distribution des friandises battait son plein à chaque arrêt du dokar. Inutile de vous dire que plus on s'enfonce dans les campagnes, plus les conditions de vie nous semblent pénibles. Nous croisons une vieille dame écrasée sous le poids de sa charge un seau à la main, le sol des maisons est en terre battue et au détour d'un chemin un habitan
t attend notre arrivée avec impatience. Il veut nous montrer son habileté à grimper au sommet d'un cocotier, d'y cueillir une noix et de nous faire gouter l'eau de coco. Je sais, cela fait très carte postale, mais je me prête facilement au jeu sachant que les quelques roupies que je vais lui donner en matabiche ne me coutent rien et que cela améliorera sensiblement le quotidien de sa famille pour les prochains jours. De plus, l'eau légèrement sucrée de cette noix de coco verte est une vraie boisson rafraichissante. Dans les champs avoisinants, nous croisons exclusivement des femmes. Elles y récoltent les légumes, le poivre noir, le gingembre et les arachides. Elles nous font gouter. Les cacahuètes fraiches me laissent en bouche la saveur des noisettes que l'on cueille chez nous à l'automne.

Nous quittons ces villages pauvres et la loi des contrastes veut que nous visitions dans les moments qui vont suivre l'hôtel le plus luxueux de l'ile de Java : l'Amanjiwo. Les prix y sont exorbitants, astronomiques. Le prix d'une suite avec piscine privée 2600 US$ pour une nuit. Jetez un coup d'œil sur le tarif. On y rencontre beaucoup de Japonais et les people du monde entier. Peu de temps avant notre visite, David Beckham, sa Spice Girl et les enfants y ont séjourné. Helmi, notre guide, est ami avec le maitre d'hôtel. Très grande classe, ce majordome respire le flegme anglais, est habillé d'un sarong couleur locale et nous fait visiter l'hôtel. Il nous photographie dans une "Garden Suite" à 700 US$ la nuit. En fin de parcours, nous déclinons poliment sa proposition de consommer une boisson en terrasse, ne sachant pas combien d’US$ le café et le thé allaient nous être facturés. Dans ce monde-là, "monsieur", on ne compte pas !



Borobudur

Borobudur à ne pas confondre avec l'hôtel de Jakarta qui porte le même nom et où nous avions séjourné en début de voyage. Il s'agit ici du monument bouddhique situé sur une colline entourée de volcans à une trentaine de kilomètres au nord de Yogyakarta.

Nous avons passé la nuit à l'hôtel Manohara au pied de Borobudur, au milieu d'un parc superbe. Tout était un vrai plaisir pour l'œil... mais le confort des chambres laissait à désirer. La climatisation fonctionnait uniquement à plein régime froid, bloquée en direction du dos de Christine, nous avons fini par dormir sans. La salle de bains était un véritable pédiluve, le tuyau d'eau chaude fuyait et nous abandonnait un bon 5 centimètres de hauteur d'eau au sol et l'évacuation de la cuvette d'aisances se montrait très paresseuse. La veille déjà, nous avions trouvé le service du souper relâché et les menus pas très recherchés. Le nasi goreng au petit déjeuner ne va rien améliorer.

À neuf heures précises, Helmi nous attend. Il s'agit de gravir la colline qui mène au Borobudur et ensuite escalader les 10 étages du bâtiment.
Je me suis toujours efforcé de ne pas jouer le catalogue touristique, mais ici, je me dois de dire 2 choses anecdotiques. Le premier étage est enterré de moitié, il représentait sur ses bas reliefs les désirs et turpides terrestres. Certains pensent que l'on voulait masquer aux moines la vue des attirances de ce monde. Les scientifiques imaginent que le premier étage fut remblayé pour étayer le monument qui menaçait de s'effondrer. Le deuxième détail curieux concerne les "stûpas". Mais qu'est-ce donc ? Le "stûpas" est une structure architecturale bouddhiste. Dans le cas de Borobudur, il s'agit de cloches qui abritent une statue de Bouddha. Helmi nous dit que si nous pouvons toucher le genou du Bouddha à travers une des ouvertures de la cloche, il ne nous arrivera... Et là plus rien comme souvenirs, Christine dans le même état, pas un enregistrement vocal... rien, sauf une photo. Puisse Bouddha s'en souvenir !



Je me laisse aller à un dernier détail. Quatre niveaux de galeries sculptées de bas-reliefs racontent la vie de Bouddha. Si vous les suivez dans le sens des aiguilles d'une montre, elles vous proposent une belle balade de six kilomètres qui retrace la vie et les mœurs de l'époque. Inutile de vous dire que cela faisait longtemps que je connaissais le parcours de Bouddha, les coutumes et traditions de cette période. Au bout de 200 mètres, je prends un escalier de traverse et monte dans la sphère supérieure du bouddhisme "l'arupadhatu" où règnent l'abstraction et le détachement.

À propos de détachement, dès le 9e étage Christine et moi sommes abordés par six jeunes adolescentes. Des piaillements qui en sortent nous comprenons qu'elles font une enquête sur les origines des touristes qui visitent le Borobudur. Deux Européens, à dix heures du matin, une aubaine. La prof est là à deux mètres, elle observe et finit par accepter une photo
commune. Les appareils photo passent de mains en mains.
Ces gamines portaient toutes le foulard. Normal. Je me suis dit que si dans nos régions, on pouvait avoir la certitude que le port du foulard relevait d'un idéal religieux et non d'une marque de refus de la civilisation occidentale, bien des problèmes seraient évités. En Indonésie, que ce soit à Java à majorité musulmane ou à Bali où la plupart des gens sont hindouistes, je n'ai jamais constaté un signe d'intolérance religieuse.

mardi 10 juin 2008

Le kraton et le pasar burung

Pour bien situé cette 2ème partie de la matinée le " kraton " est le palais du Sultan et le " pasar burung " le marché aux oiseaux.



" Quand votre princesse Mathilde viendra-t-elle nous dire bonjour ? Depuis votre roi Baudouin en 1974 plus aucun dignitaire belge n’est venu rendre visite à notre sultan ! ". C’est ainsi que ce vendredi à 10h30, le guide du sultan nous accueille.
Auparavant, j’avais acheté un chapeau pour m’entendre dire 5 minutes plus tard que le port d'un couvre-chef dans l’enceinte du palais est interdit... une marque de respect.
Ce guide, employé à vie (ils sont plus de 800 au service du sultan), possède une connaissance du français assez extraordinaire. Je le soupçonne d’être un grand admirateur de Raymond Devos et d’avoir séjourné dans un pays francophone. L’estime pour l’humour de Devos est réelle, mais il me dit avoir appris le français à travers les journaux. Ce dont je doute. Sa prononciation est impeccable. Il me rétorque n’avoir jamais quitté Yogyakarta. Nous en resterons là !

Tous les bâtiments du palais sont à un étage et à demi masqués par des avant-toits. Sur la gauche en entrant, un pavillon est réservé à une école de gamelan. Disons un ensemble de musiciens, parfois plus de 70, constitué exclusivement d'instruments à percussion (gamel signifie marteler).
On peut le remarquer sur les photos, peu de jeunes. Comme chez nous les traditions se perdent et le sultan met ce pavillon à la disposition des écoles de gamelan.

N'entrons pas plus avant dans un prospectus touristique concernant le kraton. D'après notre guide, le sultan possède toujours une autorité morale et administrative sur la région de Yogyakarta, mais il vit dans une villa moderne construite à l'arrière du palais, il se promène en Mercedes dans un costume Hugo Boss. Il travaille dans une banque. Par contre pour les sorties lors des fêtes -dont certaines sont d'origine préislamique — le protocole est toujours strictement respecté.

Les commentaires de notre guide restent passionnants. Il mélange allègrement les explications historiques à propos du kiosque à musique, des écuries royales, de la cour Sri Manganti ou encore du Proboyekso (bâtiment central) et des prises de positions philosophiques au sujet de la vie javanaise. L'index et le majeur levé en forme de V ne signifient en rien un signe de victoire, mais le chiffre deux. Deux pour deux enfants le nombre suggéré par le vaste programme de contrôle des naissances du gouvernement indonésien. C'est lui aussi qui nous dira que les Javanais sont très respectueux de la femme. S'ils sont musulmans, ils ne sont pas Arabes et ne font pas marcher leur femme voilée 5 mètres derrière eux.



Le temps de midi est là et mon estomac reste fragile. Helmi nous emmène dans un infâme boui-boui. À la carte du poulet, uniquement du poulet décliné en cuisson normale ou grillé. Sur la table en guise de toasts un plats de pattes (pas de cuisses), de crêtes, de pourtours de becs grillés... de poulets ! Nos deux Javanais s'en donnent à cœur joie. J'en ai la nausée au bord des lèvres. Je finirai par grignoter un morceau de blanc de poulet grillé et quelques bouchées de riz nature, les sauces piments proposées ne passent pas le palais d'un Européen. La main gauche sur une boîte de Motilium Instant, l'œil sur la porte des toilettes, nous arrivons tout doucement à la fin de ce repas. La bouteille de thé, normalement glacé, mais tiède fait passer le tout. Je me sens d'attaque pour le programme de l'après-midi.

À midi, le marché aux oiseaux est calme, on ne s'y bouscule pas. On y découvre pas que des volatiles, à côté de magnifiques coqs de combat, des iguanes, des sauterelles y trouvent leur place et aussi des chauves-souris. Des chauves-souris parce que dans certains milieux, elles se mangent. C'est paraît-il un met particulièrement apprécié.

Dans la foulée, style visite à la japonaise, nous avons fait un saut aux ateliers de batik. Le batik est un tissu imprimé par un procédé de cire et de teintures, c'est un des arts majeurs de Java. Dans le premier, atelier de batik sur toile, Christine a pu s'essayer à la peinture, mais ce n'était pas évident. Ce qui était cousu de fil blanc, c'était le désir de vendre une toile un peu kitch au premier touriste venu. Le second, beaucoup plus couleur locale nous montrait le travail d'impression sur les tissus destinés à l'industrie vestimentaire. Les conditions de travail sont déplorables et on n'hésite pas à mettre des enfants au travail.

Pour combler la dernière demi-heure avant de prendre la direction de notre hôtel dans le parc du Borobudur, Helmi nous emmène au fond d'une ruelle qui débouche sur une place fermée. Il nous dit que nous sommes les premiers touristes à venir ici. Sur la place, sèchent au soleil des chips artisanaux. Nous visitons le hangar où des gosses et des adolescents produisent, à base d'une pâte liquide parfumée à différents ingrédients, des chips ! L'entreprise est florissante et les conditions d'hygiène désastreuses.
Le désir des gosses est de me faire goûter... et encore goûter ! Ce jour-là, l'arôme des chips est aux crevettes. Tous se marrent de la tête du "bule" européen. Les nausées me reprennent et je bourre mes poches de morceaux de chips inachevés.

Je reprends mes esprits lors du trajet vers notre hôtel dans les magnifiques paysages ruraux que nous traversons. Les alentours de Yogyakarta ne sont pas exclusivement réservés aux rizières. On y découvre des cultures de café, de cacao et de manioc. Christine prend avec émotion une photo d'un plant de manioc, en souvenir de ses terres natales d'Afrique. Nous arriverons à l'hôtel un quart d'heure avant la nuit. Le magnifique parc du Borobudur nous le découvrirons plus en détail au lever du jour.

Yogya : Le Pasar Beringharjo

Ce matin-là, la musique lancinante du gamelan nous accueille lors de la traversée de la cour intérieure de l’hôtel. Ils sont trois (un gamelan complet peut comprendre plus de 70 personnes) et imperturbables, ils vont accompagner le petit-déjeuner de tous les convives. Je ne vais pas encore faire un grand descriptif des buffets en Indonésie, ils sont délicieux et variés et chacun y trouve son compte au niveau des goûts.

À 9 heures, sous une chaleur déjà accablante, Helmi nous attend dans le hall d’entrée. Lors du règlement de la note, j’oublie de rendre la clé de la chambre (en réalité une carte électronique qui traînait au fond de ma poche). Notre petit (grand) groom se précipite vers moi lors de mon entrée dans la voiture et me dit en français « monsieur vous oubliez de rendre la clé » avec un sourire qui en disait long sur le jugement qu’il portait à ma distraction.

À la demande de Christine qui dès la veille avait avoué son penchant pour les marchés, nous voilà partis pour le grand marché de Yogya, le Beringharjo http://picasaweb.google.com/g.minguet/Yogyakarta?feat=directlink. Une immense dalle couverte de tôles ondulées sur laquelle le soleil tape, amplifie les odeurs et exagère les sensations. Difficile pour moi de me sentir véritablement à l’aise. Plus tard, je vais dire : « j’avais l’impression d’être une grosse mouche noire au milieu d’un bol de lait ». Christine est plus à l’aise. À coup de sourires, elle va nous tirer quelques photos de personnes qui y sont d’un naturel remarquable.

Sur ce marché, on trouve de tout. Les fleurs à l’extérieur, les épices d’un côté, les légumes et piments de l’autre, les tissus éloignés de l’alimentaire. Et l’alimentaire, c’est ce qui vous saute à la gorge. L’odeur du poulet fraîchement trucidé à côté du poisson que l’on dépouille de ses viscères, sous un soleil de plomb, cela vous met la nausée au bord de la bouche. Et encore, ce jour-là pour des raisons que Helmi ne s’explique pas, aucune mouche sur les produits alimentaires. Ce haut-le-cœur va m’accompagner tout le reste de la matinée et trouver son apogée au repas de midi. Nous y reviendrons, les visites sont loin d’être terminées : le palais du Sultan puis le marché aux oiseaux.

lundi 9 juin 2008

Le temple et le volcan

Quelques mois avant de partir une série de crashs aériens de compagnies indonésiennes à bas prix gonflaient mon appréhension de l’avion. C’est donc avec soulagement que j’ai vu que le billet électronique réservé par « Bali Autrement » était libellé au nom de Garuda Indonesia, la compagnie nationale, la plus fiable. Nous prenons le vol GA 206 à Jakarta. Ce « domestic flight » (c’est le nom de tous les vols intérieurs qui disposent dans les grands aéroports, Jakarta, Denpasar Bali, de terminaux d’embarquement différents des vols internationaux) nous emmène en un peu plus d’une heure à Yogyakarta. Nous apprendrons plus tard que nous aurions mis 12 heures dans un train de bonne qualité disposant d’air conditionné, 48 heures dans un train normal généralement utilisé par les Indonésiens.

À 10h40 AM nous arrivons à Yogyakarta. Helmi, notre guide, pancarte portant nos prénoms à la main, nous attend. Afin d’éviter de faire trop de détours, il nous propose de partir directement à la découverte du temple hindouiste de Prambanan. Les bagages resteront dans le coffre de la voiture sous la surveillance du chauffeur. Nous arrivons sur le coup de midi, le soleil tape vraiment très dur. Dès le lendemain, je vais m’acheter un chapeau. Au moment où je me fais cette réflexion, nous croisons un couple d’Anglais, un bébé de moins d’un an dans les bras sans aucune protection, de véritables inconscients ! L’enceinte du temple est parsemée d’échoppes d’artisanat, d’objets religieux, de tissus. C’est un demi-mal, il suffit de ne pas s’arrêter, mais des dizaines de vendeurs vous harcèlent, tous les mètres, il faut freiner, les contourner, les éviter. Ils vous tapent sur l’épaule, vous prennent le bras, vous fourrent leur marchandise sous le nez. Heureusement, le périmètre rapproché du temple est interdit aux marchands, nous pouvons enfin écouter les commentaires de notre guide. Le temple de Prambanan est situé à 16 km à l’est de Yogya. Construite au milieu du IXè siècle, la partie centrale comporte 3 grandes tours dédiées aux dieux Brahma, Siva et Visnu.
Trois autres tours de dimensions plus modestes (une seule subsiste) abritaient les montures de ces dieux : le jars Hamsa, l’oiseau Garuda (d’où le nom de la compagnie aérienne nationale) et le taureau Nandi. Les détails sculptés dans les bas-reliefs sont d’une richesse extraordinaire. Malheureusement, le site de Prambanan a fortement souffert du tremblement de terre de 2006 et il n’a pas bénéficié des mannes financières de l’UNESCO, contrairement au Borobudur, le plus grand monument bouddhique du monde situé à quelques kilomètres.

Le tremblement de terre de 2006 a fait plus de 5 400 morts et a réveillé le Merapi, le volcan considéré comme le plus actif et le plus dangereux d’Indonésie. Il est situé à seulement 25 kilomètres de Yogya. C’est sur la pente touchée par les coulées de lave qu’Eri notre chauffeur nous emmène. La route n’en finit pas de monter, il faut savoir que le Merapi culmine à 2 900 mètres et que les derniers villages sont localisés à 1 700 mètres. Le chemin est complètement défoncé par des camions que nous croisons toutes les 10 minutes. Ils sont chargés de pierres de lave qui serviront plus tard dans la construction ou l’aménagement des infrastructures routières. Certaines grosses sociétés exploitent ce filon. Elles exploitent surtout les hommes, les femmes, les enfants qui remontent, à l’aide de paniers en osier, les pierres une à une, étage par étage du fond de la coulée pour charger les camions. Ces sociétés font de plantureux bénéfices, mais je suis certain que le groupe de journaliers gagne à peine de quoi se nourrir. La voiture s’arrête, fin de piste. Nous sommes dans le dernier village à avoir été touché par les coulées de lave. Les dernières maisons en sont à moitié recouvertes. Nous continuons quelques centaines de mètres à pied et observons un long moment le travail des personnes dans le ravin en contrebas. Le sommet du volcan est perdu dans la brume, l’humidité suinte de partout. Ce paysage lunaire s’oppose au vert de la forêt tropicale à quelques distances de là. Le bas du village nous propose 2 petites boutiques de souvenirs, cartes postales et un certain nombre de produits à manger. Helmi achète des cacahuètes enrobées de sucre et des fruits. Nous venions de comprendre que nous ne dînerions pas ce jour-là.

À 17 heures, le chauffeur nous dépose à l’hôtel, le
« Grand Mercure », au centre de Yogya. Une oasis de calme et de sérénité au milieu d’une ville un peu speedée de 500 000 habitants sous la menace permanente du Merapi et dans une zone sismique dévastatrice. Avec le recul, nous dirons que c’est le plus bel hôtel que nous avons fréquenté. Dès l’entrée, l’accueil se fait avec des serviettes glacées pour vous rafraîchir le visage, un verre de limon juice pendant que vous remplissez les formalités d’usage. Du grand standing ! Un jeune groom, sourire aux lèvres, respire le bonheur de pouvoir nous dire quelques mots en français. Il est étudiant et son choix de langue étrangère au lycée, il peut enfin le mettre en pratique. Chose de plus en plus rare dans ce pays complètement anglophonisé. Gentillesse, amabilité, raffinement et tout le personnel en tenue traditionnelle javanaise... un récital.
Nous avions rendez-vous avec Helmi à 8 PM. Inclus dans le prix de «
Bali Autrement », un circuit en pousse-pousse, un repas du soir et un spectacle javanais. Les 3 heures qui ont précédé, nous les avons passées en bord de piscine, dans la cour intérieure de l’hôtel, un nouveau limon juice sur notre table. C’est un vrai délice. Servi glacé avec une bouteille de sucre de canne liquide, du vrai bonheur ! Tout un temps, Christine a cru qu’elle y ajoutait du miel avant de réaliser. À 8 heures précises, Helmi est là. Il nous présente au « pédaleur » de pousse-pousse qui nous conduit au restaurant. Ce n’est pas la porte à côté et il est content de ne pas véhiculer des Américains. Pour lui, ils sont tous « fat ». Yogya est la seule ville d’Indonésie où le pousse-pousse est utilisé, il faut dire que la communauté chinoise est très importante. Elle tient le haut du pavé dans le commerce et laisse seulement la vente de trottoir et de marché aux Javanais. Cela ne s’est pas toujours passé sans heurts, de véritables violences ethniques se sont passées dans les années 90.
Le restaurant, un buffet copieux et varié. Helmi prend la peine de nous faire un
descriptif de tous les mets. Café en main, horaire du spectacle oblige, nous nous rendons dans une espèce d’amphithéâtre où nous assistons à un spectacle javanais basé sur une légende hindouiste. Mais d’où vient ce lien très fort avec l’hindouisme dans une ville à 90% musulmane ? Il faut se rappeler qu’après l’introduction de l’islam une partie de l’élite javanaise émigra vers Bali. Les autres ont voulu maintenir à Yogya une tradition élevée. Ce soir-là, nous étions fourbus. Cela ne m’a pas empêché de prendre une dernière fois l’air sur la terrasse de notre chambre et de m’imprégner des senteurs aux relents de soja.
Plus de photos de Central Java : http://picasaweb.google.com/g.minguet/PrambananMerapi?feat=directlink

Bali Autrement

L’objectif premier de notre voyage en Indonésie était bien entendu de participer au mariage de Fiona et de Dimitri, de s’associer à leur bonheur. Néanmoins, faire plus de 20 heures d’avion pour un séjour sur place de 2 ou 3 jours, c’était un peu court. Nous avions alors décidé de boucler notre périple par une quinzaine de jours sur l’île de Bali. Pendant les mois qui ont précédé notre départ, nous avions pris des contacts avec une agence de voyages appelée « Bali Autrement ». Leur philosophie qui propose un tourisme à visage humain, sur mesure et de qualité nous a tout de suite plu.

Aux dires de leur site, leurs projets sont conçus pour répondre aux attentes de ceux qui veulent bénéficier de conseils personnalisés, qui désirent échapper aux circuits organisés et qui souhaitent, pour des raisons de confort ou par manque de temps, se libérer des multiples tracas d’organisation. Ils offrent aussi l’assurance de faire étape et de se rendre dans les lieux les plus attractifs, les plus authentiques, en étant accompagné de guides francophones.

Par ailleurs, en nous menant vers un Bali plus reculé et plus préservé, les dépenses occasionnées sur place pour les visites, les repas, les achats profitent davantage aux populations locales. Pour faire bref, appelons cela une forme de tourisme social. Pour plus d’informations : http://www.baliautrement.com/index.htm

Tout est réglé par Internet. Nous étions pris en charge pour l’organisation par Marie qui au bout de deux ou trois modifications nous propose un projet de voyage personnalisé (pas les stations balnéaires branchées, hôtels plutôt haut de gamme, la côte nord et est, les régions de rizières, les contrées volcaniques et les lacs d’altitude...). Projet auquel nous adhérons.

Il nous restait à préparer les quelques jours précédant le mariage. Notre souhait était une brève escapade à Yogyakarta (considérée comme la capitale culturelle de l’île de Java), Solo et environs, mais prétendre voyager seul à Java est une pure utopie. Là encore, « Bali Autrement » nous propose un devis tout à fait raisonnable pour nous élaborer une visite clé sur porte de Central Java : vols intérieurs, guide francophone, chauffeur, voiture à temps plein et hôtels de grande qualité. Trois jours intenses, frénétiques.

dimanche 8 juin 2008

La découverte des malls

Petit changement de programme hier soir. La maman de Fiona est occupée plus longtemps que prévu par son boulot, le souper est reporté au dimanche. Comme nous devions quand même manger avant de rentrer à l'hôtel, Dimitri se souvient d'un restaurant où le chef de cuisine est Belge et où le restaurant offre le choix de cuisine : asiatique ou européenne. Je vais y manger d'excellents rognons à la dijonnaise. Curieusement , ce restaurant est en même temps une galerie d'art et de meubles contemporains, un peu comme si on vous servait un repas au milieu d'un magasin « Habitat. »
Aujourd'hui, nous avons surtout profité de cette merveilleuse piscine, nage, lecture, jus de fruits (des vrais, pas des stérilisés, pasteurisés !). Sur le coup de 3 heures, nous partons à la découverte du mall Plaza Indonesia. Même procédure que pour entrer dans un hôtel, barrières, contrôle miroir sous le véhicule, coffre, boîte à gants. On s'y habitue.
Le mall est un immense centre commercial, un « Belle-Ile » sur 8 étages, démesuré. Les commerces sont plus ou moins groupés par étage en fonction de l'objet de leurs ventes. On sait qu'on trouvera l'alimentaire, les snacks, les bistrots, les Starbucks coffee au moins 1 ou au rez-de-chaussée. La plupart des bistrots offrent une connexion wi-fi gratuite, des essaims de jeunes monopolisent les places intéressantes. Aux 7è et 8è étages, les grandes marques internationales en couture ou en parfums, Dior, Cardin, Gyvenchi... Les malls sont les symboles, d'une Indonésie qui gagne, d'un Jakarta qui réussit. Quand on sait qu'il y en a plusieurs dizaines à Jakarta...
Pour 8 heures, nous étions dans une brasserie typiquement indonésienne avec les parents de Fiona et son petit frère. Un peu notre « Chez Léon ». Pas un Européen à l'horizon. Deux salles, celle du bas ne dispose pas d'air conditionné, une fourmilière dégoulinante de chaleur, je me demande comment on peut avoir de l'appétit dans une telle fournaise. Nous avions réservé dans la salle du haut, celle avec l'air conditionné. C'était parti pour un souper que Dimi redoutait. Triple traduction continuelle. La maman parle en Bahasa, Fiona traduit en Anglais, Dimitri complète en Français. Vous pouvez imaginer toutes les interactions possibles, ça fait quelques possibilités. Heureusement, le papa et le frère de Fiona ne parlent pas beaucoup. Sur les tables, pas de couverts. Un bref regard circulaire et je remarque que tout le monde mange avec les doigts. Dimitri m'avait
expliqué que faire une boulette de riz entre le pouce l'index et le majeur relève du parcours du combattant. Il s'y était un jour essayé avec le papa de Fiona et avait déclenché l'hilarité générale. Comme « Chez Léon » reçoit parfois des Noirs qui n'y viennent pas manger une moambe, la brasserie indonésienne accueille de temps à autre des Européens qui ne sont pas capables de manger avec les doigts. C'est donc sans problème qu'on nous propose des couverts. Ne comprenant rien à la lecture de la carte qui n'est même pas en Anglais, je laisse les habitués du coin choisir les différents plats. Tous les plats sont servis en même temps et je crois qu'on nous avait concocté des spécialités indonésiennes de derrière les fagots, en vrac du poulet, de la viande, des poissons, des crustacés et une série d'accompagnements divers. Pour moi l'avantage de ce type de service et de présentation (tous les plats trônent en milieu de table) est que j'y trouve de quoi faire mon bonheur. Je peux laisser tomber le riz frit pour un autre accompagnement, le poisson était excellent et les crustacés de même.
Nous ne nous sommes pas éternisés au souper, la circulation était fluide et nous étions tôt à l'hôtel. Une bonne nuit de repos avant le grand départ pour Central Java, seuls, sans Dimi et Fiona nos précieux guides depuis le début. Ces quelques jours d'apprentissage en douceur du mode de vie indonésien me feront le plus grand bien pour le reste du voyage. Mes appréhensions et mes craintes sont restées en Europe.