lundi 9 juin 2008

Le temple et le volcan

Quelques mois avant de partir une série de crashs aériens de compagnies indonésiennes à bas prix gonflaient mon appréhension de l’avion. C’est donc avec soulagement que j’ai vu que le billet électronique réservé par « Bali Autrement » était libellé au nom de Garuda Indonesia, la compagnie nationale, la plus fiable. Nous prenons le vol GA 206 à Jakarta. Ce « domestic flight » (c’est le nom de tous les vols intérieurs qui disposent dans les grands aéroports, Jakarta, Denpasar Bali, de terminaux d’embarquement différents des vols internationaux) nous emmène en un peu plus d’une heure à Yogyakarta. Nous apprendrons plus tard que nous aurions mis 12 heures dans un train de bonne qualité disposant d’air conditionné, 48 heures dans un train normal généralement utilisé par les Indonésiens.

À 10h40 AM nous arrivons à Yogyakarta. Helmi, notre guide, pancarte portant nos prénoms à la main, nous attend. Afin d’éviter de faire trop de détours, il nous propose de partir directement à la découverte du temple hindouiste de Prambanan. Les bagages resteront dans le coffre de la voiture sous la surveillance du chauffeur. Nous arrivons sur le coup de midi, le soleil tape vraiment très dur. Dès le lendemain, je vais m’acheter un chapeau. Au moment où je me fais cette réflexion, nous croisons un couple d’Anglais, un bébé de moins d’un an dans les bras sans aucune protection, de véritables inconscients ! L’enceinte du temple est parsemée d’échoppes d’artisanat, d’objets religieux, de tissus. C’est un demi-mal, il suffit de ne pas s’arrêter, mais des dizaines de vendeurs vous harcèlent, tous les mètres, il faut freiner, les contourner, les éviter. Ils vous tapent sur l’épaule, vous prennent le bras, vous fourrent leur marchandise sous le nez. Heureusement, le périmètre rapproché du temple est interdit aux marchands, nous pouvons enfin écouter les commentaires de notre guide. Le temple de Prambanan est situé à 16 km à l’est de Yogya. Construite au milieu du IXè siècle, la partie centrale comporte 3 grandes tours dédiées aux dieux Brahma, Siva et Visnu.
Trois autres tours de dimensions plus modestes (une seule subsiste) abritaient les montures de ces dieux : le jars Hamsa, l’oiseau Garuda (d’où le nom de la compagnie aérienne nationale) et le taureau Nandi. Les détails sculptés dans les bas-reliefs sont d’une richesse extraordinaire. Malheureusement, le site de Prambanan a fortement souffert du tremblement de terre de 2006 et il n’a pas bénéficié des mannes financières de l’UNESCO, contrairement au Borobudur, le plus grand monument bouddhique du monde situé à quelques kilomètres.

Le tremblement de terre de 2006 a fait plus de 5 400 morts et a réveillé le Merapi, le volcan considéré comme le plus actif et le plus dangereux d’Indonésie. Il est situé à seulement 25 kilomètres de Yogya. C’est sur la pente touchée par les coulées de lave qu’Eri notre chauffeur nous emmène. La route n’en finit pas de monter, il faut savoir que le Merapi culmine à 2 900 mètres et que les derniers villages sont localisés à 1 700 mètres. Le chemin est complètement défoncé par des camions que nous croisons toutes les 10 minutes. Ils sont chargés de pierres de lave qui serviront plus tard dans la construction ou l’aménagement des infrastructures routières. Certaines grosses sociétés exploitent ce filon. Elles exploitent surtout les hommes, les femmes, les enfants qui remontent, à l’aide de paniers en osier, les pierres une à une, étage par étage du fond de la coulée pour charger les camions. Ces sociétés font de plantureux bénéfices, mais je suis certain que le groupe de journaliers gagne à peine de quoi se nourrir. La voiture s’arrête, fin de piste. Nous sommes dans le dernier village à avoir été touché par les coulées de lave. Les dernières maisons en sont à moitié recouvertes. Nous continuons quelques centaines de mètres à pied et observons un long moment le travail des personnes dans le ravin en contrebas. Le sommet du volcan est perdu dans la brume, l’humidité suinte de partout. Ce paysage lunaire s’oppose au vert de la forêt tropicale à quelques distances de là. Le bas du village nous propose 2 petites boutiques de souvenirs, cartes postales et un certain nombre de produits à manger. Helmi achète des cacahuètes enrobées de sucre et des fruits. Nous venions de comprendre que nous ne dînerions pas ce jour-là.

À 17 heures, le chauffeur nous dépose à l’hôtel, le
« Grand Mercure », au centre de Yogya. Une oasis de calme et de sérénité au milieu d’une ville un peu speedée de 500 000 habitants sous la menace permanente du Merapi et dans une zone sismique dévastatrice. Avec le recul, nous dirons que c’est le plus bel hôtel que nous avons fréquenté. Dès l’entrée, l’accueil se fait avec des serviettes glacées pour vous rafraîchir le visage, un verre de limon juice pendant que vous remplissez les formalités d’usage. Du grand standing ! Un jeune groom, sourire aux lèvres, respire le bonheur de pouvoir nous dire quelques mots en français. Il est étudiant et son choix de langue étrangère au lycée, il peut enfin le mettre en pratique. Chose de plus en plus rare dans ce pays complètement anglophonisé. Gentillesse, amabilité, raffinement et tout le personnel en tenue traditionnelle javanaise... un récital.
Nous avions rendez-vous avec Helmi à 8 PM. Inclus dans le prix de «
Bali Autrement », un circuit en pousse-pousse, un repas du soir et un spectacle javanais. Les 3 heures qui ont précédé, nous les avons passées en bord de piscine, dans la cour intérieure de l’hôtel, un nouveau limon juice sur notre table. C’est un vrai délice. Servi glacé avec une bouteille de sucre de canne liquide, du vrai bonheur ! Tout un temps, Christine a cru qu’elle y ajoutait du miel avant de réaliser. À 8 heures précises, Helmi est là. Il nous présente au « pédaleur » de pousse-pousse qui nous conduit au restaurant. Ce n’est pas la porte à côté et il est content de ne pas véhiculer des Américains. Pour lui, ils sont tous « fat ». Yogya est la seule ville d’Indonésie où le pousse-pousse est utilisé, il faut dire que la communauté chinoise est très importante. Elle tient le haut du pavé dans le commerce et laisse seulement la vente de trottoir et de marché aux Javanais. Cela ne s’est pas toujours passé sans heurts, de véritables violences ethniques se sont passées dans les années 90.
Le restaurant, un buffet copieux et varié. Helmi prend la peine de nous faire un
descriptif de tous les mets. Café en main, horaire du spectacle oblige, nous nous rendons dans une espèce d’amphithéâtre où nous assistons à un spectacle javanais basé sur une légende hindouiste. Mais d’où vient ce lien très fort avec l’hindouisme dans une ville à 90% musulmane ? Il faut se rappeler qu’après l’introduction de l’islam une partie de l’élite javanaise émigra vers Bali. Les autres ont voulu maintenir à Yogya une tradition élevée. Ce soir-là, nous étions fourbus. Cela ne m’a pas empêché de prendre une dernière fois l’air sur la terrasse de notre chambre et de m’imprégner des senteurs aux relents de soja.
Plus de photos de Central Java : http://picasaweb.google.com/g.minguet/PrambananMerapi?feat=directlink

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